Le 18 novembre 2007, dans un taxi à Philadelphie:
CHAUFFEUR – Are you racing this morning, ma’am?
MOI – Yes I am. My first marathon.
CHAUFFEUR – The marathon? I wouldn’t have guessed. Most marathoners are skinny, you know.
MOI – …
Dans un certain camion cet été, après avoir dépassé une coureuse rondelette dans la cinquantaine:
INTERLOCUTRICE – Je la vois souvent courir, cette femme-là. Elle a pas l’air de maigrir pantoute.
MOI – Et ben moi je trouve qu’elle est bonne de courir. Il fait chaud aujourd’hui, en plus.
INTERLOCUTRICE – Oui mais à force de courir, elle devrait maigrir, il me semble.
MOI – Peut-être qu’elle cours pas pour maigrir, tsé.
Mercredi dernier, au studio de yoga, après avoir appris que j’aurais le privilège de suivre un cours privé:
MOI – C’est étonnant qu’il n’y ait pas plus d’inscriptions. C’est un super studio, pourtant.
PROF DE YOGA – C’est calme ici, mais la classe de yoga chaud est toujours pleine. Tu sais pourquoi?
MOI – Je pense que oui. Les gens choisissent le yoga chaud parce qu’ils veulent perdre du poids.
PROF – C’est ça.
***
Je n’ai jamais couru pour maigrir et c’est très bien ainsi. Je ne dis pas que si je disposais d’une baguette magique je ne ferais pas quelques retouches ici et là sur ma carcasse pleine d’amour, mais plutôt que l’exercice n’est pas associé dans mon esprit à un idéal physique auquel j’aspire. Faire le plein d’oxigène, vivre les saisons, évacuer les tensions, suspendre le temps, donner un nouveau visage à une journée qui tourne mal, aller à la pharmacie, mettre les potins à jour avec une copine, étouffer un chagrin, oui, mais faire bouger l’aiguille du pèse-personne, non. Celui-là, d’ailleurs, est remisé depuis longtemps.
Ce qui est sexy, chez une femme, c’est la confiance. J’ignore où j’ai lu ou entendu cela un jour, mais je voue encore à cette formule un culte absolu. L’exercice rend sexy, finalement, moins parce qu’il promet un ventre plat et des fesses fermes que parce qu’il donne confiance. Je cours et je pratique le yoga pour l’oxigène, le calme, le vide, la compagnie et bien d’autres raisons encore, mais surtout parce que cela me rend plus forte et me fait sentir tous les jours plus solide sur mes deux jambes et entre mes deux oreilles. Parce que je sais que la puissance de mon corps se traduit en puissance mentale, alors que la taille de mes jeans ne dit et ne dira jamais rien de plus que son propre chiffre.
À trop miser sur la silhouette ou les résultats visibles de l’activité physique, on risque de passer à côté de ses meilleurs bienfaits. On risque aussi d’en faire une liaison orageuse et éphémère, alors que c’est précisément parce qu’elle est gratuite qu’une idylle avec le vélo, la course, la natation, le yoga et que sais-je encore se transforme en véritable mariage pour le meilleur et pour le pire.
Il est vrai que l’exercice physique pratiqué de manière régulière entraîne souvent la perte de poids. J’aime penser qu’il s’agit de dommages collatéraux: des kilos sacrifiés au bien-être et à la santé, des centimètres tombés au combat contre l’inertie.